• Il m’est difficile de poursuivre le témoignage sur ma vie maritale car elle fût très pénible. J’y ai vécu beaucoup d’harcèlement psychologique lié à mon poids. Comment se fait-il qu’une femme intelligente, instruite et bien entourée peut accepter l’inacceptable. C’est certain, j’ai souvent fait des colères, et parfois de très grosses colères. Je l’ai quitté à de multiples occasions mais il n’avait qu’à me dire qu’il m’aimait et que nous deux, c’est pour la vie pour que je reprenne la vie commune en espérant que nous allons enfin vivre une belle relation. Le pire dans tout cela, c’est que l’harcèlement psychologique que je subissais sur mon poids me mettait en doute sur ces intentions. Je le croyais lorsqu’il me disait qu’il m’aimait. Il m’expliquait qu’il n’avait jamais connu de femme ronde et il trouvait cela difficile. Et je le croyais, ou je voulais le croire... J’espérais tellement qu’un moment donner un déclic se fasse et qu’il comprenne que ces comportements étaient inappropriés. Le pire dans tout cela, c’est qu’à chaque fois que je le quittais cela aggravait la situation car  j’allais me réfugier chez mes parents et là, je me gavais pour panser mes blessures. Il faut dire que je ne disais pas à mes parents que je venais de quitter mon mari. Je disais que je venais faire leur rendre visite. Je gardais tout pour moi. Je savais bien ce qu’ils allaient me dire et je ne voulais pas les entendre parler contre mon mari car au fond de moi, je savais bien que j’allais reprendre avec lui.

     

    Je vais vous raconter certains de ces évènements qui m’ont blessé et qui ont détruit notre mariage. Je vous demanderais de ne pas juger. Je sais qu’il peut être difficile de comprendre que j’ai subi cela aussi longtemps mais la violence conjugale est un mal insidieux, qui fait son apparition tranquillement, sournoisement, sous de bonnes intentions au début et qui s’intensifie avec le temps.  Elle devient de plus en plus intense et elle fait qu’on doute continuellement de nous. Au début, on veut réparer la situation en lui disant qu’on est désolée de l’avoir déçu et, je dois l’admettre, dans l’espoir que lui aussi s’excuse et demande pardon. Je lui ai donc fait des gentillesses. Je lui ai écrit des mots doux. Je lui ai acheté des petits cadeaux. Je me suis habillée en marocaine pour lui plaire. Je lui ai préparé de bons repas. Au début, cela fonctionnait mais par la suite il continuait à bouder au point qu’au bout de deux ou trois jours, n’en tenant plus je finissais l’épisode par une grosse colère et je faisais mes valises. Il ne voulait plus me parler, très bien mais moi, je ne pouvais plus subir cela.

     

    Heureusement, que plusieurs années plus tard, lorsque j’ai travaillé dans une maison d’hébergement pour femme victime de violence conjugale, j’ai compris que le boudage était aussi une forme de violence.  Cela veut dire, tu ne t’es pas bien comporté comme je le veux. Je te punis pour que la prochaine fois, tu le fasses pas.

     

    Alors, je vais vous décrire mes événements sans ordre chronologique, comme ils me viennent tout simplement.

     

    Après notre mariage, il a été visité sa famille pour leur annoncer la grande nouvelle. Je fus très heureuse de le revoir mais ces 3 semaines d’absence l’avait changé ou la vie de couple me  permettait de le voir sous son vrai jour. Lorsqu’il m’a fait le récit de son voyage, je ne comprenais pas qu’il avait passé 2 semaines en Espagne avant de se rendre au Maroc. Il s’était fait des amis et il avait profité de leur présence. Il avait peur de parler à ses parents. Il avait pris des photos de ses amis espagnols. Un garçon et deux filles. J’ai eu un pincement au cœur. J’avoue que je me suis senti jalouse mais je ne lui ai rien dit. Il avait pris des photos de monuments pour que je puisse voir les belles sculptures. Il me dit combien je lui ai manqué. Alors, je n’avais pas de raison d’être jalouse. Il m’expliqua que son père et son oncle lui ont montré des films montrant combien les américains étaient des personnes sans principes moraux. Mais lorsqu’il disait cela, je sentais qu’il semblait y croire ou qu’il voulait me le faire croire. Je lui ai dit crois-tu vraiment cela. Crois-tu que je suis ainsi. Naturellement, il ne croyait pas que j’étais une personne sans principe. Au contraire, en me prenant le menton, en m’embrassant tout tendrement, il me disait que « Tu es comme un poussin dans l’œuf tout blanc ». Petite phrase si mignonne mais il venait, en d’autres mot, me traiter d’innocente  et qui servait surtout à me faire savoir que je ne connaissais rien à la vraie vie…  Petite phrase qu’il répétait avec de moins en moins de douceur au cours des ans. Mon Dieu, combien il était habile à dire des choses méchantes avec son air si innocent. Dès que je lui en faisais le reproche, il niait et disait que c’était moi qui interprétais mal ce qu’il avait dit. Il était une vraie anguille, difficile à attraper. C’est ainsi que son désir de me diminuer commença.

     


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  • Ne voulant pas me sentir triste pendant notre retour à Trois-Rivières. J’essaye de ne plus penser à son désir de passer la nuit à Montréal. Nous sommes silencieux tout au long du trajet. La fatigue et le stress de la journée se font ressentir malgré nous. Nous débarquons au terminus situé près du centre-ville. Nous remontons le boul. des Forges et nous tournons au coin du boul. Royale. Nous montons jusqu’à notre « chez-nous », rue Ste-Julie. La Cathédrale, sur notre droite, est entièrement illuminée dans la noirceur de la nuit tombante. Simohamed a pris froid aujourd’hui. Nous nous couchons dès notre arrivée. Pas de voyage de noces, pas de nuit spéciale dans un hôtel. Je me dis que nous ferons cela l’été prochain, lors du mariage catholique entourée de ma famille. Ce sera pour moi, le vrai mariage. Mais je me blottis contre son épaule et je suis heureuse. Il me serre dans ses bras. Oui, nous nous aimons. Il me répète que nous, c’est pour la vie. Il me raconte à nouveau comment il voit notre avenir. Nous demeurerons au Québec et nous irons passé nos vacances au Maroc. On se promènera, main dans la main, sur la plage. On courra  ensemble sur le bord de l’eau. Je l’écoute mais je ne peux m’empêcher de me dire combien il est romantique et rêveur. Moi qui me croyais rêveuse, il me bat à plate couture dans ce domaine. Je le laisse raconter ses rêves, il y prend un tel plaisir. Nous parlons des enfants que nous aurons. Je lui dis que j’aimerais en avoir quatre ou cinq. Il est d’accord pour cela. Il veut, lui aussi, une belle famille. Je me dis que je n’aurais pas pu trouver une personne qui pouvait mieux me convenir. Nous avons les mêmes rêves, les mêmes projets. Il va terminer ses études d’ingénieur électrique, je vais être professeur d’arts plastiques. Nous allons travailler dans les domaines que nous souhaitons. Il n’y a que du positif qui nous attend.

     

    Le lendemain, la vie suit son cours, l’université nous attend. Dans environ trois semaines se sera les vacances de Noël, moment où je prévoyais annoncer la grande nouvelle à mes parents. Comme à tous les samedis soirs, ma mère me téléphone pour prendre de mes nouvelles. Je ne peux m’empêcher de lui dire que je suis mariée. Il y a eu un silence. Et elle m’a dit « Heureusement que tu n’es pas à coté de moi, car je t’aurais donné toute une fessée… » Ma mère toujours douce et conciliante avec ses enfants, est vraiment en colère. Jamais, elle ne m’a parlé sur ce ton.  Ensuite, elle me demande si je suis enceinte. Elle ajoute « Ce n’est pas parce qu’on a fait une bêtise qu’il faut en faire une deuxième, plus grosse encore… »  Je tente de la rassurer en lui disant que je ne suis vraiment pas enceinte… Elle ne comprend pas pourquoi on s’est marié aussi rapidement. Elle vérifie si j’ai changé de religion. Je lui répond non, en lui expliquant que les hommes musulmans peuvent marier des chrétiennes ou des juives, contrairement à la femme qui doit absolument marié un musulman. Et c’est alors qu’elle me dit. En tout cas, si tu as changé de religion, je te renie… je n’en croyais pas mes oreilles. N’étant pas une famille pratiquante, je ne croyais pas que ma mère donnait autant d’importance à la religion catholique. Je me sentais un peu coupable de l’avoir déçue mais je lui ai rappelé que de toute façon, on devait se marier à l’été. Cela ne changeait pas grand-chose qu’on se soit mariés plus tôt. C’est alors qu’elle a avoué que 6 mois de plus m’aurait permis de mieux le connaître et de décider de ne plus l’épouser. Je ne peux m’empêcher de sourire. Ma mère ne veut que mon bien mais elle ne sait pas à quel point Simohamed et moi sommes faits pour être ensemble. J’ai la ferme conviction que nous sommes prédestinés à vivre ensemble, tout simplement.

     

    Noël arrive. Nous allons passer quelques jours chez mes parents. J’ai eu un peu peur de la réaction de ma famille. Mais non, je n’ai reçu aucun commentaire désagréable. Au contraire, on me disait que l’amour m’avait embellit. Simohamed fut présenté aux autres membres de ma famille. Ceux qui demeurent plus loin. La veille de Noël, nous avons réveillonné chez mes sœurs Liette et Louisette. Le lendemain, nous avons pris le souper de Noël chez mes parents. Comme j’étais une couche-tôt, je me suis couchée avant Simohamed. Celui-ci jasait avec ma mère jusqu’à tard dans la nuit. Je me disais qu’ils avaient ce point en commun. Se coucher tard. Contrairement à mon mari, ma mère se levait tôt. Qu’elle fut ma surprise en me levant le matin de voir ma mère en colère.  Elle me dit avec mécontentement, «  mais pourquoi il a voulu t’épouser? Il n’a pas cessé de parler contre toi de toute la soirée hier. Combien tu es grosse et que tu ne fais pas d’effort pour maigrir. Je lui ai dit que lorsqu’il t’a marié, tu étais ainsi, C’était à lui de ne pas te marier ». Elle ne digérait vraiment pas ce qu’il a dit…

     

    Lorsque Simohamed s’est réveillé, je lui ai demandé pourquoi il a dit cela à ma mère. Il m’a répondu qu’au Maroc, c’est courant que les jeunes mariés parlent de leurs difficultés aux parents et que ceux-ci essaient de les aider à régler leur problème. Je lui ai expliqué que ma mère a interprété cela comme un manque d’amour de sa part. « Il ne faut jamais parler contre ses enfants à ma mère. Maintenant, elle ne croira plus en toi lui dis-je. Tu n’aurais pas dû lui parler en mal de moi ». Cet épisode, ma mère ne l’a jamais oublié…

     

    Nous retournons à Trois-Rivières où il m’annonce qu’il part trois semaines au Maroc. Il a reçu de l’argent de son oncle pour le billet d’avion. Il va en profiter naturellement pour annoncer la nouvelle à sa famille. Il a peur de la réaction de son père. En préparant ses valises, je ne peux m’empêcher de fredonner  Ce matin de Diane Juster.

    http://www.youtube.com/watch?v=nb1AxYqKqGo

     « Ce matin, je me suis levée pour rien
    J'aurais dû dormir jusqu'à demain
    Ce matin, je me suis fait mal pour rien
    Car je sais, tu repartiras demain »

     

    J’avais tellement de peine de le voir partir…


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  • Le mariage s’en vient à grand pas. Mon fiancé et moi allons à Montréal pour réserver une place à la mosquée de Ville St-Laurent. Son ami marocain nous accueille gentiment à son appartement. Ensuite, ils vont tous les deux rencontrer l’iman. Il revient en me disant qu’on pourra se marier dans deux semaines. C’est encore plus rapide que ce que j’avais prévu. Nous mangeons avec son copain marocain et sa femme, nous passons la soirée avec eux. Tous les deux parlent marocains ensembles. J’ai toujours trouvé impoli de voir les marocains parler ainsi entre eux alors qu’il y a des québécois dans la pièce. Mon mari finit par me faire comprendre que c’est vraiment un plaisir pour lui de pouvoir parler dans sa langue. Il a l’impression d’être au Maroc. Comment le lui reprocher. Ça le rend heureux. Donc la soirée est assez animée. Tout à coup, son ami sort un petit miroir et y met de la petite poudre blanche. Je suis vraiment surprise. C’est la première voit que je vois cela mais je devine bien que c’est de la cocaïne. Il nous en offre une ligne. Je réalise que je ne sais même pas si Simohamed prend de la drogue ou non, Il ne fume pas, ne bois pas d’alcool. J’ai pris pour acquis qu’il ne prend pas de drogue mais j’attends avec appréhension sa réponse. Il refuse. Quel soulagement! Je refuse à mon tour. Heureusement, son ami n’insiste pas. Vers les 23 heures, il nous remet des couvertures car nous allons coucher ici.  On place les couvertures sur le divan. On se couche collé-collé car c’est vraiment étroit pour deux personnes. Nous parlons mariage. C’est alors qu’il me demande si je prévois maigrir car il n’a pas l’habitude d’être avec une fille ronde et il trouve cela difficile. Dans toute mon innocence, je lui dis que c’est certain que je vais maigrir. J’ai déjà perdu près de 75 livres. Il m’en reste une quarantaine à perdre pour avoir un poids santé. Je ne vois pas pourquoi je n’y arriverais pas. Je n’avais pas évalué, ni vérifié jusqu’à quel point mon poids avait de l’importance pour lui. Il veut que je maigrisse, je veux maigrir. Alors tout est pour le mieux…

     

    Dans la semaine qui suit, je me dépêche à faire toutes les bijouteries de Trois-Rivières pour lui trouver un jonc en or. Je sais que pour lui, c’est important d’avoir un jonc à plus de 10 k. Il semblerait qu’au Maroc les bijoux sont généralement à 18k. Alors je fais tous les bijouteries pour trouver une alliance de 14k, pas trop dispendieuse car nous vivons de mon prêt et bourse… La dernière boutique que je visite m’impressionne. Je dois sonner à la porte pour pouvoir y entrer. C’est la première fois que je vois cela. Je me dis que les bijoux doivent vraiment y être dispendieux. J’ai le goût de rebrousser cela mais je me dis, on ne sait jamais, je vais peut-être trouver ce que je recherche.

     

    Je sonne. Un déclic se fait entendre. Je pousse la porte et j’entre timidement. La boutique est très petite. Les bijoux sont sous les comptoir-vitrés. La dame derrière la caisse me demande avec gentillesse si elle peut m’aider. J’ai l’impression de dégager la pauvreté et l’ignorance. Mais sa gentillesse me donne le courage de lui dire que je recherche un jonc pour homme, 14 k. Le propriétaire sort de son bureau dans l’arrière-pièce. Il me dit que l’or 14k est plus fragile que le 10k. Surtout pour une alliance. Je lui explique que mon fiancé préfère du 14k. Il me montre les alliances qu’il a. Enfin, il y a un jonc de 14k et il coûte 180$ dollars canadiens. C’est le moins cher que j’ai vu. Il est tout simple, sobre et élégant. Je le trouve parfait et je peux le payer. Alors tout est pour le mieux.

     

    Maintenant, qu’est ce que je vais mettre pour mon mariage. Comme je ne veux pas en parler à ma famille vu la panique générale lors de l’annonce de la demande en mariage, je tente de me débrouiller seule. Je n’ai personne à qui parler de ma situation. J’ai une copine à l’université mais au fond de moi, je sais que c’est un projet un peu fou et je suis gênée d’en parler à qui que ce soit. Vu que je n’ai pas beaucoup d’argent, je dois regarder dans les vêtements que j’ai pour trouver quelque chose qui pourrait convenir. Mon choix s’arrête sur un petit ensemble rose que ma mère m’a fait. Il me va bien au teint et il fait « propre ». Mais je n’ai pas de blouse qui convient.  Je fais plusieurs boutiques pour trouver une blouse blanche, pas trop dispendieuse. J’en trouve enfin une au Zellers. Le tissu est léger, en nylon semi-transparent. Le collet monte un peu dans le cou et un ruban que je noue en boucle vient y ajouter une touche féminine quoi qu’un peu sévère. Elle coûte 27 dollars. Je la trouve dispendieuse mais c’est la seule qui convient. J’ai les sous. Alors tout est pour le mieux.

     

    Je suis prête pour le mariage. J’attends avec fébrilité le dimanche 2 décembre 1984. Simohamed cherche de son côté quelqu’un qui pourrait nous reconduire à Montréal car on ne peut aller à la mosquée en autobus… Il trouve un ami québécois qui accepte de nous y conduire. Il y va de toute façon pour retrouver sa copine. Samedi matin, en écoutant la radio. J’entends qu’il neigera dimanche. Pas d’accumulation importante cependant. Je réalise que mon manteau d’hiver de l’an passé est maintenant trop grand. Je décide d’aller m’acheter un manteau d’hiver pas trop dispendieux. Je vais dans un nouveau magasin qui vend à prix modique. C’est style entrepôt. Pas de décoration, certains vêtements sont suspendus, d’autres sont dans des grosses boites. Je trouve les manteaux d’hiver. Il n’y en a pas pour taille forte. J’essayais donc un manteau 16 ans… qui sait? Il est noir, de ligne princesse. Je le trouve joli, il coûte 64$. Je l’essaye en me disant qu’il sera trop petit. Mais non, il me va bien et je suis vraiment heureuse de voir que je porte un vêtement dans les grandeurs normales. Je me trouve belle dedans. Je le prends. Alors tout est pour le mieux.

     

    Le grand jour arrive. Simohamed a passé la nuit chez un ami car on ne doit pas la passer ensemble vu qu’on se marie. Je me lève vers les 7 heures, je déjeune tranquillement. Vers les 8h00, ma sœur Liette me téléphone. Jamais elle ne me téléphone le dimanche matin. Mais ce matin-là, elle avait le goût de prendre de mes nouvelles. De savoir comment j’allais. J’aimerais bien lui dire que je me marie en fin de matinée mais je me retiens. J’ai peur qu’elle tente de me décourager. J’ai peur de la décevoir ainsi que toute ma famille. alors je ne dis rien. Je me prépare pour le grand jour. Je me maquille. Je m’habille et je me trouve jolie. Je suis heureuse. Simohamed  arrive chez moi avec notre « conducteur ». Un gentil garçon, très volubile. Je le trouve sympathique et je me sens à l’aise avec lui malgré que je ne le connaisse pas. Je trouve Simohamed très beau dans ses vêtements. Son habit lui va bien. Il est rasé de près. Je le trouve si séduisant lorsqu’il est rasé de près et parfumé. Son ami nous conduit à Montréal chez le copain marocain. On arrive vers 10h30. On sonne. Le copain vient nous ouvrir. Il est encore tout endormi, il a l’air vraiment « magané » On dirait qu’il a pris une brosse la veille. Simohamed lui demande comment il se fait qu’il ne soit pas près. Le mariage est pour 11 heures. « Tu devais me confirmer si j’y allais ou non », lui répondit-il. C’était lui notre témoin. Simohamed appelle son cousin qui vient juste d’arriver du Maroc après avoir réussi à convaincre son père de lui remettre son passeport. Il arrive enfin, accompagné de sa femme. Une gentille québécoise. Mais ce cher cousin n’avait pas encore déjeuné. Il ne pouvait rien faire avec le ventre vide. Il a pris le temps de bien manger. C’est la première fois que je voyais Simohamed aussi nerveux, lui qui est toujours en retard et fait attendre tout le monde. Il a alors téléphoné à l’iman pour lui dire que nous ne pourrons pas arriver à l’heure. Ce dernier répond qu’il nous attend jusqu’à midi. Nous sommes arrivés à 12h05. Heureusement, l’iman était toujours là. En sortant de l’auto, Simohamed m’a remis un joli bouquet de fleurs. Je n’avais vraiment pas pensé aux fleurs. Je suis très contente qu’il y ait pensé.

     

    Nous entrons dans la mosquée. Nous enlevons nos souliers dans l’entrée. Je croyais que la cérémonie aurait lieu dans la salle des prières. Mais non, on nous conduit dans un tout petit bureau. Des tonnes de documents s’empilent sur les meubles et sur les étagères. Même le bureau de l’imam est plein de dossiers. On s’assoie en face de lui. Son cousin marocain est présent avec sa femme et notre ami conducteur. L’imam demande qui sont les témoins. Le cousin dit qu’il est le témoin. Mais il faut deux témoins musulmans. Heureusement, le concierge de la mosquée balaye encore la grande salle. Il sera notre deuxième témoin.

     

    L’imam parle en arabe et Simohamed m’en fait la traduction. Il m’explique qu’on doit dire trois fois « oui » lorsque viendra le temps. L’imam fait une lecture en arabe. Je ne comprends rien de ce qu’il dit. Je suis anxieuse. J’ai de la difficulté à me sentir heureuse. Je suis déçue de voir que cela se passe dans un bureau délabrée, sans ma famille. Je me sens seule, entourée d’étrangers. Je regarde l’imam, j’ai peur de ne pas bien faire les choses. J’entends Simohamed dire ces trois oui en arabe. C’est mon tour. L’imam lit un texte et je dis un premier oui, un deuxième oui. Une dame se pointe dans l’embrasure de la porte. Elle parle à l’imam en arabe. Lorsqu’il a terminé sa discussion, il se retourne vers nous. Nous échangeons nos alliances. Je n’ose pas dire que je n’ai dit que 2 fois oui. Tout se passe vite. Simohamed m’enfile ma bague de fiançailles au doigt car il n’a pas les moyens de m’acheter un jonc. Moi, je lui glisse le joli jonc recherché avec tant d’application. Nous signons les registres. Nous sommes officiellement mari et femme. L’imam demande alors qu’on lui donne 45 dollars, prix de la célébration. Simohamed lui dit qu’il croyait que cela était gratuit. Il n’a pas ce montant-là sur lui. L’imam lui dit qu’il n’aura qu’à venir le payer une autre fois, chose que Simohamed ne fera pas malgré que je le lui aie rappelé. Nous sortons de la Mosquée et mon mari m’embrasse avec passion. Là, je me sens heureuse. Et tout est pour le mieux.

     

    Nous allons tous nous promener au Mont-Royal. Nous marchons dans ce beau décor. main dans la main. Le temps est à la pluie, une petite brume couvre les alentours ce qui donne une ambiance calfeutrée et très romantique. Je suis tellement heureuse. Je souris  tellement que j’en ai mal aux joues. C’est une journée exceptionnelle. Je suis remplie d’amour pour l’homme que j’aime. Alors tout est pour le mieux.

     

    Après notre promenade en montagne, nous allons dans un café. Nous prenons tous un breuvage chaud ainsi qu’un gâteau au fromage.  La femme de son cousin me demande de la suivre dans les toilettes. Elle en profite pour m’expliquer qu’elle et son mari sont en froid depuis le départ de la mosquée. En conduisant jusqu’à la montagne, elle a fait un mouvement un peu brusque et il a renversé du lait sur lui alors qu’il buvait un berlingot de lait. Depuis ce temps, il boude. Je n’en reviens pas qu’il se comporte ainsi alors que c’est notre mariage, une journée de joie et d’amour. Je ne trouve vraiment égoïste et immature pour agir ainsi et nuire à l’atmosphère du mariage. Je me dis comment peut-il aimé sa femme et la bouder ainsi. Il a été retenu six mois au Maroc. Il vient d’arriver et il se permet d’agir comme un enfant gâté au lieu de profiter de cette journée pour avoir des comportements amoureux avec sa femme. Par la suite, j’ai toujours eu une antipathie pour lui.  Je profite de l’isolement des toilettes pour vérifier combien j’ai d’argent car je viens de réaliser qu’il faut payer cette collation à nos invités. On n’avait pas pensé à cela. À vrai dire, on n’avait pensé à rien. Je demande l’addition. C’est vingt dollars. J’ai juste ce qu’il faut pour payer les consommations de tout le monde. On se quitte avec des embrassades. Notre conducteur va rejoindre sa copine. Nous allons retourner à Trois-Rivières en autobus mais je ne sais pas où Simohamed a pris l’argent pour l’autobus. C’est probablement son ami qui le lui a prêté.  Le lendemain, j’ai des cours qui m’attendent. En s’en allant au terminus d’autobus, mon  cher époux me dit qu’il aimerait demeurer à Montréal, ce soir, pour pouvoir faire des achats le lendemain, je m’en irais donc seule à Trois-Rivières. Je suis chavirée d’entendre cela.  Je lui réponds : «  Tu veux que je retourne seule à Trois-Rivières. C’est cela que tu veux pour notre nuit de noces… » « Non, non. Oublie ça, j’ai rien dit » me répond-il.

     

    Nous montons dans l’autobus, la nuit est déjà tombée. Il me prend la main pendant le trajet. Je suis fatiguée et je me sens triste. Je viens de réaliser… que tout n’est pas pour le mieux.

     

     

     

     

     


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