•  Je le suis jusqu’à son appartement situé au deuxième étage. Il demeure dans un beau 3­½. La cuisine est à aire ouverte avec le salon. Il me fait asseoir sur le divan. Je me sens toute crispée. Je ne sais quelle position prendre. Je suis assise très droite, les mains sur les genoux. Il s’assoit près de moi. Je ne sais quoi faire ou dire. Heureusement, il a la parole facile.  Il m’offre un jus. Il va vers la cuisine mais il retourne sur ces pas pour venir vers moi. Il me prend le visage entre ses mains, il me donne un petit baiser rapide et il s’en retourne à la cuisine. Il me verse à boire et il se dépêche à venir m’embrasser. Je le sens fébrile.  Il semble si heureux de me voir là. On dirait un petit garçon qui vient de recevoir un camion de pompier pour Noël. Il semble émerveillé. Je n’ai jamais vécue une telle situation. Je suis si bien avec lui, Je suis heureuse de me trouver là. Il m’embrasse avec fougue et passion. Les heures passent. Il me récite des poèmes en anglais. Je ne comprends rien mais c’est si romantique. Nous nous trouvons en position allongée. Il continue de me parler tout doucement. Je sens son corps contre le mien. Le message en est très clair. Mais il ne cesse de m’embrasser et de me caresser. Je le laisse faire, je m’abandonne totalement et je vis le moment présent. J’ai peur de lui déplaire physiquement et de ne plus le revoir mais je cours le risque... Il tente de dégrafer mon soutien-gorge. Il n’y parvient pas. Cela me fait sourire et je ne peux m’empêcher de penser à Bernard qui avait réussi à le faire d’une seule main. Je dois donc le faire à sa place. Ces caresses, ces baisers sont très sensuels. Il est passionné et nous faisons l’amour avec fougue. Ensuite, il m’invite dans sa chambre pour dormir… Il est trois heures du matin. Nous avons sommeil tous les deux. Dans la chambre se trouve deux lits jumeaux car il vit avec un colocataire. Heureusement, il est absent pour la fin de semaine. Nous dormons enlacés dans ce petit lit. Je me réveille vers les 9 heures. Je n’ose pas bouger pour ne pas le réveiller. Après un certain temps, je n’en peux plus et je me lève. Je m’habille tout doucement dans le salon, Je ne sais pas quoi faire. Je le réveille ou pas. C’est alors que je pense à noter son numéro de téléphone. J’espère que j’aurai le courage de le rappeler. Je sors de l’appartement. Dehors, il fait un beau soleil. Je l’entends m’appeler de la fenêtre du salon. Il me demande de remonter pour prendre le déjeuner. J’en suis heureuse. Il veut être encore avec moi. Je viens de recevoir la confirmation que je lui plais bien. Nous passons la journée ensemble. Je suis sur un nuage.

     

    On se revoit presqu’à tous les jours. Il vient chez moi. Je vais chez lui. Je me souviens de la première fois que je l’ai reçue chez moi. Je demeurais dans un drôle de logement. Il y avait un petit salon avec divan-lit qui s’ouvrait en lit trois-quarts et une pièce me servant de cuisine. Il y avait un évier avec un tout petit bout de comptoir. Le bain se trouvait juste à coté et une toilette se trouvait dans une espèce de garde-robe sans fenêtre. J’ai installé sur une petite étagère de métal une cuisinière à deux ronds. Il y avait une petite table pour deux personnes. Mon logement n’était vraiment pas beau mais je le trouvais original et en plus il n’était vraiment pas dispendieux…

     

    Je lui avais fait un bon repas et j’avais confectionné dans une feuille de papier des napperons de « dentelles ». J’avais découpé des formes, son nom et naturellement le mot amour. Cela l’avait beaucoup touché.  Il m’avait remis une fleur en velours rouge dans un vase de plastique transparent. J’aurais trouvé, en d’autres temps, cela très laid mais venant de lui, tout devenait beau… Nous étions vraiment très amoureux.

     

    Je me souviens d’une nuit où j’avais voulu cacher ma nudité et il m’a dit : « Non, ne te cache pas, … Ne te cache plus jamais, tu es celle que j’aime et je veux pouvoir te regarder ». Grâce à lui, grâce à cette phrase, j’ai appris à assumer mon corps malgré ses rondeurs et ses imperfections. Je l’en remercie pour cela.

     

    Un jour, je rencontre son colocataire, un québécois. Il ne me plait pas du tout. Je crois que c’est réciproque. J’en ai la confirmation lorsque Simohamed m’avoue  que son ami lui as dit qu’il pouvait rencontrer quelqu’un de mieux que moi, rencontrer une fille mince. Mais je n’ai pas osé lui demander ce qu’il a répondu. J’avais probablement peur de sa réponse.

     

    Pendant l’été, il devait retourner au Maroc voir ces parents. Ces deux mois m’ont paru très long. J’ai, moi aussi, passé l’été chez mes parents. Ils demeuraient tout près de Joliette. À environ une heure de Trois-Rivières. À la moindre occasion, je parlais de mon nouvel amour. Tout me ramenait à lui. Il pense cela, il a fait cela,…  Un jour mon père me dit : « Tu sais, qui vient de loin, a beau mentir.» Cher papa!  Je lui ai répondu : « Tu crois qu’on ne peut pas m’aimer? » « Mais non, ce n’est pas ça que je veux dire ». Mon père qui m’adorait ne savait plus quoi me répondre.  Je me rappelle encore du jour où il m’a dit : « Ne te maries jamais,  tu es trop gentille, trop douce, tu vas être malheureuse.»  Mes parents étaient très inquiets que je fréquente un jeune marocain, musulman de surcroit. Ils avaient peur que je change de religion, que je sois battue et maltraitée. Heureusement que le livre Jamais sans ma fille paru seulement en 1987. Par un drôle de hasard cette année-là, il y avait eu une réédition du Petit catéchisme, livre que mes parents et mes frères et sœurs plus âgés avaient dû apprendre par cœur dans leur jeunesse et que ma mère me donna en "cadeau".

     

    L’été pris fin. Je retournais à mon petit 2­½, à Trois-Rivières. J’avais hâte de revoir mon bel amour. Était-il revenu du Maroc. Quand le verrais-je? Je n’avais reçu qu’une lettre de lui en début d’été. Il était encore à Trois-Rivières lorsqu’il me l’avait fait parvenir. Une lettre dans laquelle il expliquait qu’il voulait bâtir une relation stable, établie sur des fondements solides. Il écrivait si bien. Ces mots étaient une source de bonheur pour moi. Que j’étais romantique… et follement amoureuse.

     

    Je l’ai enfin vu le lendemain de mon arrivée à Trois-Rivières. Il avait passé un bel été avec ses amis, ici au Québec. Se promenant d’un ami à l’autre. Mais non, il n’a pas été au Maroc en fin de compte. Lorsqu’il m’a dit cela, je n’ai pu répondre que : »Ah! Bon…  Pourquoi tu ne m’as pas donné signe de vie alors? » «  J’avais à réfléchir sur notre relation et à vraiment savoir si je voulais poursuivre ma vie avec toi ».

     

    Notre relation repris de plus belle. Il venait chez moi, j’allais chez lui. On se voyait à tous les jours ou presque. Un jour, en allant chez lui, il me présenta son meilleur ami, presqu’un frère. Un jeune marocain, originaire lui aussi de Fès.  Je le vois encore, comme si c’était hier. Il est assis dans le fauteuil du salon. Il me sourit timidement. Ah non, c’est le jeune arabe qui était trop timide pour venir me parler. J’étais un peu mal à l’aise… Mais, heureusement, cela c’est bien passé. On a enfin été présenté. Abdou était très gentil. Nous sommes devenus amis. Jamais, il n’y a eu aucune allusion entre nous de cette période où nous étions intéressés l’un à l’autre. Cependant, au début de mon mariage, mon mari m’a demandé s’il était vrai que j’avais été intéressé par Abdou. Je lui ai dit la vérité : « Oui, il me plaisait mais vu qu’il était trop niaiseux pour faire les premiers pas, je me suis désintéressée de lui. »  Abdou était un bon ami. Il était toujours avec mon mari. Ils arrivaient parfois vers les 2 heures du matin pour manger après avoir passé la soirée ensemble à étudier.

     

    Ma vie amoureuse se déroula tel un roman d’amour. Un soir, il me demanda de me rendre chez lui. Il était 22 heures. Il devait étudier pour un examen le lendemain. Il insista en me disant qu’il allait pouvoir étudier. Il avait juste besoin de ma présence. En arrivant dans sa chambre, je me suis allongée dans son lit. Il étudiait tout en me regardant. Il me raconta que sa mère lui avait parlé au téléphone en début de soirée et qu’elle allait lui faire parvenir un cadeau pour moi. Une robe marocaine. Elle lui dit aussi combien elle était surprise qu’il ait rencontré une québécoise portant un nom arabe. Je lui fis remarqué qu’il m’avait dit cela la semaine dernière. Il me dit que non, cela ne se pouvait pas puisque sa mère venait de le dire ce soir seulement. Je laissai tomber le sujet. On s’embrassa et on fit l’amour. L’examen était rendu bien loin dans ses pensées.

     

    Au mois de novembre, il m’a demandé de l’épouser. J’ai dit oui. Je savais que pour nous c’était pour la vie… L’annonce de mes fiançailles à mes parents a causée une panique générale. La plus vieille de mes sœurs a été mandatée par mon père pour me parler et pour vérifier si nous étions certains de notre décision. Avions-nous pensé à tout ce que cela impliquait? Étions-nous vraiment certains de nous aimer? Cela n’a naturellement rien changé à nos sentiments l’un envers l’autre.

     

    Nous avons donc célébré nos fiançailles le 18 novembre 1984 chez mes parents. À la fin du repas, on a partage le lait et les dattes. Si je me rappelle bien, c’est pour  aider à avoir une vie à deux très agréable. Le lait symbolise la pureté et les dattes le sucré pour que la vie de couple soit pure et douce comme le goût sucré de la datte. Mon père a trouvé cela un peu bizarre mais moi, j’ai naturellement trouvé cela très romantique. Mes parents ont alors annoncé qu’ils nous feraient un petit mariage à l’été prochain nous donnant ainsi le temps de terminer notre année universitaire et de préparer le mariage. J’en étais heureuse mais je savais très bien, les connaissant, qu’ils espéraient qu’on ne soit plus ensemble d’ici-là.

     

    Ce soir-là, il a passé la nuit chez moi et le lendemain, il est venu y vivre. C’est avec empressement que  je lui ai fait de la place dans mon petit logement. Le salon s’est transformé en chambre à coucher. Il y mit son lit. Le divan s’est retrouvé dans la cuisine. Nous étions heureux dans notre petit nid d’amour.

     

    C’est alors qu’il m’a demandé de l’épouser, maintenant. Ne pas attendre l’été car il avait peur que ces parents empêchent le mariage. Un de ses cousins avait été retenu six mois au Maroc car son père lui avait pris son passeport. Il avait peur que cela lui arrive. Naturellement, j’ai dit oui. Pourquoi attendre? Nous étions prédestinés. On fera maintenant un mariage musulman et cet été, on fera un mariage catholique. Et voilà. Tout était réglé. La date du mariage était fixée au dimanche 2 décembre 1984. Oh! Quel bonheur! Dans quelques jours, on sera mari et femme pour la vie…

     


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  •  Après avoir suivi la diète aux protéines, j’ai beaucoup maigri et j’ai pu troquer mes grandes jupes « granola » par des jupes plus courtes et ajustées. Cela m’allait très bien. Ma mère, qui faisait de la couture depuis l’âge de 12 ans, m’a justement refait ma garde-robe. Je me trouvais très jolie dans ces nouveaux vêtements. Des regards de jeunes hommes commençaient à se poser sur moi. Il y a eu Bernard. Ensuite, ce jeune arabe. Je me souviens encore de notre première rencontre. C’était le 14 février, jour de la St-Valent, J’attendais à l’arrêt d’autobus du Centre-ville. J’avais un cours qui commençait à 19h. Je me sentais triste. Cela faisait un plus d’un mois que Bernard avait quitté le pays. Je ne sais pourquoi mais je me sentais nostalgique et seule dans ce Trois-Rivières aux odeurs nauséabondes produites par les usines à papier la Wayagamack et la Kruger. Nous étions nombreux à attendre l’autobus. Tout à coup, j’ai senti son regard sur moi. Je l’ai regardé et j’ai été charmé par son magnifique sourire. Comment ne pas être attiré par un tel sourire, cette belle énergie qui se dégageait de lui. Il m’a fait l’effet d’un rayon de soleil en ce début de fin de soirée pluvieuse et maussade. Nous sommes montés dans le même autobus mais nous nous sommes perdu de vue. L’autobus était bombé d’étudiants et de quelques personnes plus âgées.

     

    J’espérais le lendemain soir pourvoir le rencontrer à ce même arrêt d’autobus, mais non. Il était absent. À 22h00, j’ai terminé mon cours en techniques audiovisuels. J’allais donc attendre dans le grand hall de l’université car l’autobus arriverait à 22h30. Il est venu s’asseoir sur la banquette près de la mienne. Nous nous sommes souri sans rien dire. J’étais trop timide pour engager la conservation et lui semblait attendre que je fasse les premier pas. Je ne comprenais pas pourquoi ce jeune garçon n’osait pas entamer la conversation. Je voyais bien qu’il était intéressé par moi. L’autobus arriva, on y monta toujours sans se parler. Je débarquai chez moi. Pendant un mois, j’ai croisé ce garçon à plusieurs reprises. Toujours le même scénario. Un jour, je me suis tannée et je me suis dit : Tant pis pour lui, je ne ferais pas les premiers pas et lui, il ne veut pas les faire mais too bad. C’est fini. Je ne le regarderais plus. Ce que je fis. Je prenais d’autres chemins pour me rendre à l’arrêt d’autobus. On se rencontrait moins souvent et lorsque cela arrivait, je regardais tout droit comme si je ne le voyais pas.

     

    Le 4 avril 1984, vers les 18h00, après avoir travaillé toute la journée sur un modelage, je décide de prendre mon repas à la cafétéria de l’université. J’étais en train de dessiner quelques croquis pour un projet lorsqu’un jeune étudiant engage la conversation avec moi. Il est très charmant. Il s’intéresse à mes dessins et me demande en quoi j’étudie. Lui, il étudie en génie électrique, en première année, il est marocain. Il se nomme Simohamed. Il a 21 ans et il est l’ainé d’une famille de 5 enfants. Il voulait venir étudier au Canada car lorsqu’il était jeune, il avait vu notre drapeau et il l’avait trouvé beau. Nous parlons de tout et de rien. Je regarde l’heure à ma montre, il est 20h. Je me dis que dans 20 minutes, je vais descendre au rez-de-chaussée pour attendre l’autobus, j’ai donc encore un peu de temps pour lui parler. Nous discutons de différents sujets. Il s’intéresse à pleins de choses. Je ne vois pas le temps passé tellement je suis bien avec lui. Je regarde à nouveau ma montre, il est 21h45, j’ai manqué 2 autobus car le soir, elles passent aux heures. Il ne faut vraiment pas que je manque celle de 22 h30.  Ouf! J’ai réussi à le quitter…  physiquement mais il hante mes pensées, je ne peux le chasser de ma tête.  Le lendemain, je dois me parler, je suis en plein délire. Je sens que je vais l’épouser et je me trouve stupide d’avoir de telles pensées.  La session finie dans 4 semaines environ. Il est possible que je ne le revoie plus. On n’a pas échangé nos téléphones, c’est le hasard qui nous fera se rencontrer si on a à se revoir.

     

    Le lendemain vers 18h, je tourne autour de la cafétéria dans l’espoir de le voir. Après une heure d’attente, je décide de m’en aller chez moi lorsque j’entends mon nom. C’est lui, enfin... Que je suis heureuse.  Il me demande de le suivre à la bibliothèque. Il a vu des choses intéressantes pour moi. Il me montre des dessins d’illusions optiques. On feuillète le livre ensemble. On est tout proche l’un de l’autre. Ensuite, il me passe ses écouteurs pour que j’entende la musique. J’ai l’impression d’être dans une autre vie. Je me sens comme dans les films d’ado. J’ai l’impression d’enfin vivre les amours d’adolescente…  mieux vaut tard que jamais. C’est tellement agréable d’être avec lui.  Vers les 21h, il m’invite à prendre un café. Je dis oui. Nous quittons l’université. Je me demande dans quel café il me conduira car je ne connais pas ce secteur vu que je demeure au centre-ville. Je le suis en toute confiance. On se dirige vers un bloc appartement. Ah non, il m’emmène chez lui. Mais qu’est-ce-que je fais? Je monte ou pas…  Il a l’air si gentil, si aimable. Je n’ai pas le goût de dire que je ne monte pas chez toi  et de  lui expliquer pourquoi. Je ne sais pas comment lui dire que j’ai peur que cela finisse au lit. Que c’est trop tôt, qu’on ne se connait pas.  Mais j’ai tellement le goût de continuer à lui parler. D’être avec lui.  Alors je le suis…

     


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